Le gouvernement et le Ministère, malgré la pandémie, poursuivent leurs réformes rétrogrades. Le projet de Loi 4D, dangereux pour notre modèle social et pour l’égalité de traitement des citoyens, consacre une déstructuration du cadre national d’intervention des services publics et un découpage des missions publiques.
La poursuite de l’application de la Loi Transformation de la Fonction Publique, après avoir fait perdre leurs compétences sur les questions de mobilité aux CAP, concerne depuis le 1er janvier 2021, les avancements et changements de grade. Un récent décret sur les comités sociaux d’administration (CSA) a entériné la suppression des CHSCT, alors que ses instances ont prouvé notamment dans la période actuelle toute leur utilité. La volonté de transformation profonde de l’Observatoire de la laïcité, témoigne d’une volonté gouvernementale de corsetage idéologique incompatible avec un État démocratique. Que dire enfin de la Loi de sécurité globale et de ses nombreuses mesures restreignant gravement les libertés publiques et notamment le droit à la vie privée et la liberté d’information, sans offrir aucune garantie supplémentaire contre le terrorisme, empêchant de fait toute dénonciation de dérives et violences policières ?
Dans le domaine de l’Éducation, après la-réforme des lycées qui, en continuité de celle des collèges, multiplie ses effets néfastes pour tous les élèves. Deux décrets publiés sans concertation, modifieront le fonctionnement des instances des EPLE à la rentrée prochaine. L’ordre du jour du CA devient la responsabilité exclusive des chefs d’établissement. Les commissions permanentes, outil d’instruction et de débat très utiles sur de nombreux dossiers pourraient devenir (si elles sont maintenues) des outils de remplacement des C.A. Soit un dialogue social revu et corrigé par un Ministre et une administration qui, depuis plusieurs années, le considèrent comme un outil de validation des arbitrages déjà entérinés et non comme un temps nécessaire pour construire des propositions qui puissent faire évoluer positivement des décisions pour améliorer le service public dans le respect des usagers et des fonctionnaires.
Comme cadeau de Noël, les personnels ont reçu le 24 décembre une ordonnance méprisante pour le travail des enseignants et des élèves. Elle permet au Ministère de pouvoir changer les modalités d’examens et des concours jusqu’à 15 jours de la date des épreuves alors même que syndicats (enseignants et lycéens), associations disciplinaires et de parents ont demandé de repousser ces examens. Il s’agit une fois encore pour le ministre de temporiser afin de maintenir les épreuves de spécialité en mars. Envers et contre tout, dans le déni à la fois de l’impréparation et du stress des élèves, le surinvestissement des enseignants et de la situation sanitaire, le ministre s’entête tout en prétendant hypocritement "penser aux élèves". Tout cela pour pouvoir inscrire une note qui n’a pas beaucoup de sens dans Parcoursup au mépris de l’égalité de traitement des candidat-e-s et la valeur du diplôme. On est bien loin des valeurs républicaines dont se gargarise d’habitude notre ministre. Avec le même acharnement, il a annoncé la nécessité de faire retourner les élèves de terminale à temps complet. Les établissements qui n’avaient pas déjà cédé aux pressions s’exécuteront le lundi 25 janvier et devront bricoler des solutions pour respecter les règles sanitaires notamment dans les cantines. Qui peut croire raisonnablement que cette décision peut changer quelque chose ? Quel cadre règlementaire pour cette nouvelle injonction ?
Dès la phase de déconfinement progressif au mois d’avril 2020, le SNEP-FSU a porté plusieurs exigences dans le but de répondre aux enjeux de santé publique en permettant la continuité des pratiques physiques, sportives et artistiques et en faisant en sorte de permettre la poursuite des apprentissages dans une école ouverte pour lutter contre les inégalités. Ces exigences simples visaient la constitution de demi-groupes pour tous les enseignements d’EPS afin de faciliter le respect des mesures sanitaires édictées et la protection renforcée des personnels face à des élèves non masqués lors des pratiques. Nous réclamions aussi la mise à disposition des masques chirurgicaux répondant à cette problématique. Sur ces deux points nous n’avons pas été entendus et nous sommes maintenant confrontés en dehors de tout élément permettant de le justifier à l’interdiction des pratiques en milieu couvert et ce, en plein hiver ! Cet état de fait nous place, à certains endroits, face à l’impossibilité de programmer des cours d’EPS et à une mise à l’arrêt total de toute pratique pour les élèves alors même que tout démontre qu’elle est absolument nécessaire. Les conditions qui sont les nôtres dorénavant nous placent devant de grandes responsabilités. Seuls les enseignants d’EPS sont à même de juger la possibilité ou non de faire cours en extérieur au regard des conditions sécuritaires, météorologiques et de la possibilité de répondre aux mesures sanitaires. Cette période transitoire que nous espérons la plus courte possible ne saurait se terminer par un retour à la normale avec des classes entières sans courir le risque d’une nouvelle interdiction.
La préparation de la rentrée 2021 reste dans la même veine que celle des précédentes : classes surchargées, conditions d’apprentissage des élèves dégradées, des personnels débordés alors que le suivi et le conseil aux élèves est primordial dans un climat anxiogène, vies scolaires sous tension, des personnels territoriaux (agents des collèges et des lycées) épuisés, aucun moyen supplémentaire en matière d’accompagnement sanitaire et social alors même que les besoins sont énormes. Dans le second degré, pour l’académie de Bordeaux, La savante manœuvre qui consiste à regrouper HP et HSA en ETP moyens d’enseignement, ne trompe personne. Les 35 moyens d’enseignement supplémentaires sont uniquement des HSA, moyens qui n’augmentent pas au même rythme que les effectifs. En réalité l’académie perd 104 emplois alors qu’il aurait fallu lui en attribuer 180 pour maintenir les postes au même niveau que l’an dernier en tenant compte de la croissance démographique. C’est donc un solde de moins 184 emplois, que nous subissons dans le second degré.
La manière dont sont traitées les SEGPA illustre bien les conséquences de ces choix budgétaires. Le calcul des DGH par les DSDEN pour ces structures supprime 6h (123,5 au lieu de 129,5) ce qui aura comme conséquence le non dédoublement l’ensemble des heures de champ professionnel. En imposant 2H classe entière en 4e et 4h classe entière en 3e au parcours avenir au détriment de la découverte professionnelle. Le parcours avenir n’est pas une discipline, il peut et doit être abordé dans l’ensemble des enseignements et n’est pas l’exclusivité des PLP. La spécificité de ce dispositif accueillant des élèves en grande difficulté scolaire, permet de proposer des apprentissages s’articulant autour de situations professionnelles. Les champs de découverte professionnelle contextualisent les apprentissages et guident les collégiens dans leur choix de formation professionnelle. Durant ces dernières années les SEGPA ont subi des diminutions d’heures de fonctionnement, des suppressions d’atelier et accueillent de plus en plus d’élèves ne relevant pas simplement de la grande difficulté scolaire mais de structure de type ITEP ou ULIS. Ces jeunes ont besoin d’être accompagnés dans leur parcours par une équipe pédagogique expérimentée et stable. Cela sera possible en donnant les moyens pour maintenir les heures de dédoublements et des enseignants à temps complet. Par ailleurs dans l’académie de Limoges la DGH SEGPA est de 125h, comment parler d’éducation nationale si les moyens sont disparates d’une académie à l’autre ? Poursuivre sur la voie des heures supplémentaires, des gros effectifs dans les classes, c’est augmenter les difficultés d’exercice des enseignants, d’apprentissage des élèves. Alors que le remplacement peine à être couvert, supprimer des postes, de l’emploi participera à amplifier les ruptures de continuité du service public d’éducation.
Dans le premier degré, les 2489 moyens d’enseignement supplémentaires prévus au niveau national pour la rentrée prochaine ne compenseront pas le sous-investissement chronique de l’état dans l’école primaire, même avec la baisse attendue du nombre d’élèves. Cette dotation ne sera pas suffisante aux vues des priorités engagées par le ministère. 640 moyens seront consacrés à l’amélioration des décharges de direction et 420 sont nécessaires pour le retour des élèves dont l’instruction se faisait en famille. Avec la poursuite du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire et la limitation des effectifs à 24 élèves dans les classes de CP et grande section hors éducation prioritaire, qui à elle seule nécessite 1187 postes selon le ministère, il ne restera aucun moyen pour faire face aux autres priorités. La fameuse expression « déshabiller Pierre pour habiller Paul » se conjugue à tous les temps et toutes les modes. Quand le ministère crée des postes dans le premier degré… Il en ferme parallèlement dans le second, même si les effectifs sont en hausse. Dès qu’un nouveau dispositif est lancé (dédoublement des CP/CE1 en REP), c’est au détriment d’autres pans du système éducatif. 422 postes de remplaçants par exemple ont été fermés dans les départements à la rentrée 2020 pour récupérer des moyens réinjectés ensuite dans d’autres dispositifs, alors même que ces postes sont indispensables au bon fonctionnement de l’institution (congés maladie, de formation, décharges de directions, des PEMF, etc...). Dans notre académie, la dotation de 75 postes ne permettra aucunement d’améliorer les conditions d’enseignement dans les écoles. Si l’on a bien compris que la stratégie de répartition académique des postes, depuis plusieurs années déjà, est de faire progresser légèrement le P/E dans chaque département afin d’afficher la carte scolaire sous un angle positif. Il n’en reste pas moins que, sur le terrain, les moyens restent bien insuffisants en regard des besoins. les Rased, abandonnés sous le gouvernement Sarkozy, sont au bord de la déliquescence. Les remplacements sont sacrifiés, un comble, en période de Covid.)
La crise sanitaire et sociale a réaffirmé la nécessité de la présence des PsyEN dans les établissements : augmentation des états anxieux et dépressifs, recrudescence des tensions familiales, phobies scolaires, décrochage, précarité accrue pour de nombreux enfants et adolescents ce qui entraîne inévitablement des difficultés pour se projeter dans l’avenir et pour anticiper son orientation alors que l’application des réformes et des calendriers se poursuit aveuglément. Les champs d’action des PsyEN auprès des élèves, des familles et des équipes sont nombreux mais dans l’académie on compte environ 1500 élèves par PsyEN ; la moyenne des pays de l’OCDE est de 800. Dans l’académie de Bordeaux, on compte 24000 élèves en plus depuis 2007 dans le 2d degré ; il faudrait ainsi 16 créations de postes de PsyEN EDO pour pouvoir compenser cette augmentation sans parler de réduire l’écart avec la moyenne OCDE. En outre le nombre de départ important à la retraite dans les 10 ans à venir (50% des PsyEN EDA et 30 % des PsyEN EDO de l’académie vont partir à la retraite) va conduire inévitablement, sans changement de stratégie, à une augmentation toujours plus importante de la contractualisation. Alors que l’on constate que le nombre d’élèves est en augmentation et que les demandes sont croissantes, les PsyEN restent sur un effectif fixe avec en plus un taux de contractualisation croissant, faute d’entrant suffisant. Dans ce contexte on demande aux PsyEN, seuls, de répondre à des questionnements impossibles : quelles sont les demandes prioritaires ? A qui dit-on non ? Les arguments sont nombreux pour demander la création de postes de PsyEN mais force est de constater qu’ils ne le sont pas encore assez aux yeux de l’institution.
Malgré une interpellation du secrétaire général du rectorat de Bordeaux sur des éclaircissements concernant le versement de la "prime covid", ainsi qu’un mail datant du 9 janvier dernier pour demander à nouveau que soient donnés les critères d’attribution, les montants et les types de personnels concernés par cette prime, nous n’avons à ce jour obtenu aucune réponse à nos questions. Plusieurs secrétaires de direction sont restées présentes en établissements, avec pour certaines un chef d’établissement placé lui en télétravail, allant pour certains au-delàs de leurs fonctions habituelles et n’ont rien obtenu.
Contrairement aux allégations de notre ministre, le système éducatif est à bout de souffle. Un plan d’urgence doit être rapidement déployé pour permettre que les inégalités scolaires ne continuent pas à s’aggraver et assurer la mise en place d’un soutien renforcé au plus près des élèves qui ont subi de plein fouet les effets néfastes de la crise sanitaire. Il est plus que temps que l’école soit partie intégrante du plan de relance tant elle est essentielle au redressement économique du pays.