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Lydie Laloubère, Armelle Masson
Edito
Comme de coutume, le ministère de l’Éducation nationale tarde à dépasser le stade de la communication concernant l’égalité professionnelle, déclarée pourtant « Grande cause nationale du quinquennat » ...
Sous la pression constante de la FSU, il avait présenté en décembre 2020 son plan national d’action pour 2021-2024, rendu obligatoire pour les employeurs publics par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Initialement, chaque académie était tenue, après avoir mené un travail d’élaboration avec les organisations syndicales représentatives, de le remettre à leur ministère pour …le printemps 2021 !
N’ayant aucune information sur l’avancée de ce sujet à l’échelle académique, la FSU a obtenu une audience le 22 novembre 2021. Le rectorat a dû reconnaitre le retard pris par notre académie. C’est donc encore sous pression de la FSU que le travail de déclinaison académique va démarrer. Deux groupes de travail sont prévus pour une présentation du plan d’action académique au CTA de février 2022. Mais les premiers signaux envoyés par l’administration soulignent son manque d’ambition. Les délais que l’administration se posaient elle-même sont d’ores et déjà dépassés et les documents de travail ne sont toujours pas arrivés, preuve supplémentaire que le sujet de l’égalité professionnelle n’est visiblement pas une priorité.
Nous avons toutefois posé nos exigences et obtenu des engagements. Les données des Ressources Humaines seront dorénavant genrées pour pouvoir vérifier l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Un suivi de cohorte permettra également de voir concrètement si un retard de carrière accumulé existe entre les hommes et les femmes. Il a également été rappelé à l’administration que la mise en place d’un plan de formation pour l’égalité est obligatoire et qu’il nécessitait une communication pour être connu de tou.tes. Enfin, les échanges sur les VSS ont montré que le rectorat n’a pas encore mis en place de réelles dispositions à ce sujet. Le dispositif de signalement, de traitement et de suivi des actes de violences, discriminations, harcèlement moral ou sexuel, agissements sexistes est par exemple encore d’une extrême opacité.
Le SNES de Bordeaux agira sans relâche pour obtenir des avancées qui aillent au-delà du simple affichage relayant les exigences d’une profession largement féminisée en faveur d’une véritable égalité salariale et des moyens réels pour lutter contre les violences.
L’égalité professionnelle : un sport de combat
Le constat de la féminisation de nos métiers
Dans le rapport de situation comparée relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du ministère de l’éducation nationale(1), le constat est sans appel. Ce document, signé de l’administration, montre par des chiffres ce que nous savons déjà d’expérience : l’intense féminisation de nos professions. Au total plus de 73 % des personnels enseignants sont des femmes. Pour le second degré, il y a deux fois plus de certifiées que de certifiés, par exemple. Ces chiffres deviennent caricaturaux chez d’autres catégories comme les AESH où les femmes représentent 95% des effectifs. Par contre, quand on regarde du côté des recteurs, seuls 35% d’entre eux (pas vraiment besoin d’utiliser l’écriture inclusive ici…) sont des femmes.
Ce n’est pas une découverte pour le SNES-FSU qui s’est battu en CAPA pendant des années, à Bordeaux comme dans les autres académies, pour rééquilibrer les passages des promotions et pour éviter que les hommes pourtant minoritaires ne raflent les passages à la hors classe, les agrégations sur listes d’aptitude, etc.
Un Ministère qui ne prend pas au sérieux la question de l’égalité
Même si le Ministère connaissait parfaitement la situation de ses agent.es, il a fallu attendre 2018 pour qu’un texte soit signé. Sous la pression de la demande sociale, le gouvernement a édité la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif (2). Il y a donc deux versants pour ce combat et deux façons très différentes pour l’administration de s’en emparer. Dans le domaine de l’égalité filles-garçons, des référent.es académiques ont été nommé.e.s, des livrets d’accompagnement ont été mis en place pour accompagner les établissements vers une éducation égalitaire. Heureusement, certain.e.s n’avaient pas attendu la bonne parole ministérielle pour s’attaquer au problème et nombre de collègues menaient déjà auprès des élèves des actions dans le sens de l’égalité, que ce soit dans le domaine de l’orientation, de la déconstruction des stéréotypes présents dans les médias par l’Education aux Médias et à l’Information, de l’organisation de temps forts le 8 mars -journée internationale des droits des femmes- et j’en passe…Une école censée transmettre la valeur républicaine d’Egalité ne se doit-elle pas d’être exemplaire en terme d’égalité professionnelle pour ses agent.es ?
Eh bien, l’égalité entre les femmes et les hommes travaillant pour l’Education Nationale ne fait clairement pas partie des priorités, au point que notre Ministère a tellement traîné des pieds qu’il a frôlé les pénalités financières prévues en cas de retard… Le plan national d’action pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 2021-2023 naît dans la douleur en décembre 2020 (3) .
Pourtant, nul ne pouvait ignorer l’importance de la question dans les esprits. Les mouvements qui ont traversé notre société, la prise de conscience sur les violences sexuelles et sexistes, les sondages(4) montrant que les Français.es attendaient une vraie action dans ce domaine de l’Egalité, jugé par eux comme prioritaire… Tout concourait à une rapide mise au travail.
Ce retard à l’allumage est pourtant facilement explicable : lutter contre les inégalités, tout le monde l’aura compris, c’est entre autres s’attaquer aux scandaleuses inégalités salariales : En 2017, le salaire net mensuel moyen (exprimé en équivalent temps plein) est, dans la Fonction Publique d’Etat, de 2 408 euros pour les femmes et 2 785 euros pour les hommes(5). Et comment oser dire que l’on veut supprimer les inégalités alors qu’on refuse de mettre un sou dans l’affaire ? Le Ministre de l’Education Nationale n’est pas à un mensonge près, mais là, c’était un peu gros : il a tout simplement remplacé le verbe « supprimer » les inégalités salariales par « traiter » : c’est le titre de l’axe 3 de ce plan d’action ! Nous voilà prévenu.e.s !
Les inégalités hommes-femmes, une question syndicale à plus d’un titre
Evidemment, au niveau national comme académique le SNES et la FSU portent le fer depuis longtemps sur cette question des rémunérations. Nous avons le même diagnostic que le ministère sur le « plafond de verre » : cette fameuse loi qui veut que les postes d’encadrement (et donc à grosse rémunération) soient monopolisés par les hommes. Et il faut bien dire que l’administration semble décidée à promouvoir des femmes : les IA-IPR sont à 46% des femmes. Par contre le SNES et la FSU veulent aussi dénoncer le « plancher collant » : soit la triste habitude qu’a notre administration de cantonner les femmes aux postes les moins valorisés, les moins payés : la situation des AESH est, à ce titre éclairant.
Le champ de lutte syndicale ne se résume pas à la question des rémunérations mais renvoie à de multiples thématiques qu’il faudra traiter parallèlement : les charges domestiques -qui ont de lourdes conséquences sur les demandes de temps partiel, les congés parentaux et donc les rémunérations-, les violences sexuelles et sexistes qui, comme dans tous les secteurs de notre société, touchent les agentes, les stéréotypes de genre qui pénalisent les femmes au recrutement ou pour les promotions ; les chef.fe.s d’établissement du secondaire devront, d’après le plan, être formé.e.s à un management égalitaire.
Tout ce travail en direction de l’administration ne doit pas nous faire oublier qu’en tant qu’organisation syndicale, nous avons, nous aussi, le devoir de réfléchir à ces questions en notre sein. Le secteur femmes avance depuis longtemps sur ces problématiques en critiquant les pratiques militantes quotidiennes ou en sollicitant des recherches scientifiques sur le sujet(6)(7)(8). outefois, nombre des facteurs qui forment le vaste spectre du patriarcat dans nos sociétés sont en effet présents dans notre syndicat n’est pas représentative de la profession, avoir conscience que le sexisme n’est pas forcément absent de notre fonctionnement syndical, admettre que l’on peut encore faire des efforts pour inciter les femmes à s’investir dans la vie militante et dépasser le « On lui a demandé, elle veut pas… ». Chercher les raisons du refus et les solutions pour remédier aux difficultés : problèmes d’organisation familiale ? Manque de confiance en soi ? Sentiment d’illégitimité ? Inquiétudes financières ?
Pour répondre à toutes ces questions et surtout pour s’en poser de nouvelles, le SNES-FSU de l’académie de Bordeaux souhaite créer un regroupement de bonnes volontés pour une évolution vers plus d’égalité femmes-hommes, dans les revendications portées auprès de l’administration comme au sein de la structure syndicale. Le syndicat est aussi un endroit idéal pour l’« empowerment » : se battre pour ses droits, construire du collectif –entre femmes, avec les hommes-, oser prendre la parole en public, s’entraider face à un.e chef.fe d’établissement autoritaire, prendre des décisions, gagner en confiance…que ce soit au niveau de son établissement ou à d’autres échelons. Afin que le SNES et la FSU soient à l’avant-garde sur cet enjeu de société, nous espérons que vous serez nombreuses et nombreux à nous rejoindre pour contribuer à la réflexion et aux travaux sur l’égalité professionnelle.
- (1) https://www.education.gouv.fr/rapport-de-situation-comparee-relatif-l-egalite-professionnelle-entre-les-femmes-et-les-hommes-du-4187
- (2)https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/07/convention_29_06_2006.pdf
- (3)https://www.education.gouv.fr/le-ministere-s-engage-pour-l-egalite-professionnelle-9284
- (4)https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-legalite-femmes-hommes/
- (5)https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/cc-egalite-2019.pdf
- (6)https://hal.univ-lyon2.fr/hal-02052603/document
- (7)https://www.snes.edu/publications/les-supplements-de-lus/femmes/
- (8)https://fsu.fr/category/la-federation/les-dossiers/droits-des-femmes/
Plan d’action académique : nourrir la « com » du futur candidat sans effort
à 5 mois de la présidentielle où en est « la grande cause du quinquennat » ? Nulle part, clairement ! Ordre est donc donné aux académies d’ici le mois de mars de rattraper le retard à marche forcée afin de donner à peu de frais au candidat Macron un vernis un peu plus présentable à son bilan. Le Rectorat de Bordeaux multiplie les signaux négatifs révélant la faible priorité accordée au dossier de l’égalité professionnelle malgré les ambitions affichées. Ainsi en CHSCTA, le nouveau directeur des Ressources Humaines refusait de nommer parmi les élu.es du personnel un.e référent.e sur les violences sexistes et sexuelles pourtant prévu dans le plan national du ministère. De plus, des personnels ont été nommés avant même la rédaction de leur lettre de mission. Enfin, des propositions d’actions sont esquissées mais sans assises statistiques nécessaires pour objectiver la réalité de notre académie sur cette question.
Lors du 1er groupe de travail relégué à l’avant veille des vacances de fin d’année, nous avons commencé par dénoncer les délais tardifs de convocation, un calendrier trop contraint et la pauvreté du document de travail communiqué. Le SNES avec la FSU défend la tenue d’1 groupe de travail pour chacun des 5 axes et d’un Comité Technique Académique exceptionnel, pour ne pas diluer les débats au milieu d’un ordre du jour hétéroclite. Carrières, rémunérations, formation, prévention des violences sexistes et sexuelles… les fronts sont en effet multiples et ne peuvent être raisonnablement expédiés sur 1 mois et demi en 2 groupes de travail et un CTA comme prévu initialement. La discussion a pu ensuite démarrer sur de meilleures bases, sans que l’axe 1 soit au final épuisé lors de la séance.
Le SNES avec la FSU prépare une adresse publique à la Rectrice et communiquera à l’attention des personnels de l’académie. Sans volontarisme, nous ne parviendrons pas à contrer l’inertie actuelle et faire en sorte que notre administration saisisse véritablement les enjeux pour nos professions très largement féminisées.