Marc est CPE, circulant dans les couloirs glacés de son lycée, il se souvient de l’IUFM. A l’époque, il avait eu le plaisir de suivre une CPE dans son quotidien, elle avait pour habitude d’appeler la période de janvier aux vacances d’hiver « la purge ».
Elèves épuisés, collègues dont les dents rayent le plancher, direction accaparée par les commissions et les négociations de la DHG, vie scolaire prise par les virus, bref, une période heureuse dans son année scolaire où il assure l’agréable tâche de tampon entre tout ce petit monde, serrant les poings et comptant les jours, jusqu’à l’arrivée du printemps et du repos bien mérité.
Cette année, nouveauté offerte par son École de la Confiance, son établissement assure la noble tâche d’organiser et de faire passer les E3C à 15 classes de première ! Merci Jean-Mi !
En CPE tout juste satisfaisant (dixit son PPCR qui a encore du mal à passer) il organise un rattrapage de l’Assemblée des Délégués de classe (ayant été en arrêt en décembre, épuisé par le manque de moyens).
Un moment convivial de bilan et de discussion sur les travaux prévus, l’ambiance dans le lycée, les attentes des élèves, etc. Alors qu’il récolte les habituelles « questions diverses », celle qui fait le bouillon du moment, ce ne sont pas les nombreuses alarmes à incendie ou l’absence de savon dans les WC, mais les biens nommés : E3C/EC3/3EC/vous comprendrez.
La réunion se déroule et arrive le moment de prise de parole d’une déléguée : « Monsieur j’ai écris un texte et je voudrais le lire à mes camarades ». Lecture se passe, une pétition contre la tenue des E3C est proposée par cette déléguée. Marc tente, avec courage et dévouement, en excellent et loyal fonctionnaire (ndlr PPCR), de répondre à leurs questions :
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- « monsieur on n’a pas de prof d’espagnol depuis la rentrée, comment on va passer l’épreuve ? »
- « Monsieur, on sait même pas sur quoi on va tomber en langue, on a pas les mêmes cours ? »
- « Monsieur, pourquoi les sujets sont accessibles ? J’ai regardé y a que 3 sujets sur les réseaux sociaux en anglais et c’est ce qu’on a fait au programme ».
- « Monsieur pourquoi on doit aller en cours avant et après ? »
- « Monsieur pour les tiers temps, ils font comment, les cours son maintenus alors qu’ils sont en épreuve ».
- « Monsieur, qui va nous corriger en portugais ? »
- « Monsieur, c’est quoi le grand oral, on comprend rien »
- « monsieur, la prof elle sait même pas nous expliquer la grille de notation en anglais »
- « Monsieur, en histoire géo, le prof nous a dit qu’il n’y avait pas de grille de notation commune, c’est vrai ? »
- « Monsieur..., monsieur..., monsieur... »
Monsieur il a tenté, il a essayé, il n’a pas réussi à les rassurer. Il a tout donné pourtant mais impossible de faire mieux. La direction essayera en les réunissant sur son conseil, sans grand effet.
Le stress monte, il monte à tel point que quelques jours plus tard, la campagne se réveille sous le bruit d’une mobilisation lycéenne. Portails du lycée fermés sur demande du chef d’établissement. Consigne est donnée de ne laisser entrer personne. Une bombe artisanale explose aux abords et aux pieds d’une CPE et d’une AED qui ont tenté d’assurer la sécurité des élèves. Des élèves pénètrent quand même dans l’établissement et déclenchent l’alarme à incendie. Marc ne sait plus où donner de la tête, il court d’un portail à un autre, entend, ordre et contre ordre, essaie de répondre aux appels des familles transférés sur son portable. Une journée de purge, comme un vendredi.
Une mobilisation symptomatique. Nos jeunes vont mal. La suite, ce sera l’absence volontaire de quelques élèves aux E3C en raison d’un décrochage scolaire, une AED qui fera un rapport pour triche durant une épreuve, sans suite connue à ce jour... Mais Marc reste heureux, car chez lui, ce n’est pas la boulangère qui a fait passer les E3C mais peut-être que ce sera le boucher qui corrigera le portugais ?
Julien Renom